Chez les Nhours, on fête l’année nouvelle avec la magnificence que réclament ces moments d’espérance : la Dernière Veillée et le Premier Jour sont célébrés par de nombreuses réjouissances et des rituels précieux …
Elzéar se concentre sur ses tresses, fébrile. Les yeux lui piquent un peu. Ce matin, exceptionnellement comme chaque année, il a eu droit à un café. C’est que personne n’a beaucoup dormi. Et les cérémonies et les jeux du Premier Jour vont durer encore jusqu’à la nuit. Comme chaque année, la Dernière Veillée s’est terminée un peu après minuit. Les quelques heures de sommeil qui ont suivi, avant de se relever pour le salut au soleil, ont semblé planer le temps d’un soupir de mouche.
Mais c’était grandiose. La montée dans la nuit, secrète, et tout le village silencieux, encore imprégné des récits de la Dernière Veillée. Et soudain le ciel rose. Et là-haut, les cors des chevaliers éclatant jusque dans la vallée, lorsque le premier rayon de soleil du Premier Jour est apparu au-dessus de la crête. Elzéar adore ce moment qui lui donne envie d’être grand.
Ne pas se tromper ; un toupin pour deux grelots, une platelle pour deux toupins et une cloche seulement par mouton. Le nhourson repasse en boucle et en vrac les consignes de tressage, les souvenirs résonnants de la nuit, et puis la journée folle qui s’annonce : Elzéar sera parmi les bergers qui mèneront le troupeau ensonaillé, annonçant le cortège des chevaliers.
Et parmi ceux-ci, qui défileront avant le tournoi, Grimaud, chevalier brosseur – l’élite de l’élite – le héros de tous les gosses de Sylvacane, multi-champion de Bouzkachi royal. Il porte une pelisse d’apparat, de tous les trophées de moutons gagnés. Le vieux Bologne qui sait tout et peut-être même un peu plus, dit que si on l’effleure en soutenant le regard du guerrier, on devient courageux comme un lion.