Ça y est.
Une fois de plus, le train des vacances nous a déposés dans l’antichambre de l’automne. On regarde l’été s’éloigner et on se sent un peu bête. Sur la bordure du quai, quelques fleurs de cafard en profitent sournoisement pour exhaler leur parfum aigrelet.

Alors vite, éloignons-nous de quelques mètres. Et avant de se mettre bravement en route, je vous sers un morceau d’imaginaire, tout frais sorti de mes valises à souvenirs.
Etes-vous assis ? Bien allons-y.

C’est le dernier jour du mois d’août. Les nhoursons ont suivi, en larmes, la chute des premières feuilles. Désastreux spectacle.
Oh elles s’en fichent bien, ces affreuses, de signer ainsi le terrible retour sur les bancs de l’école, puisqu’elles sont déjà mortes.

Elzéar s’est indigné plus fort que tous les autres, avec beaucoup d’application. Et puis il a grimpé le sentier des Gwyliaux jusqu’à la première fourche, celle où l’on prend le chemin des hauts alpages. Et là, en se bourrant de myrtilles, il a ri, tout seul et tout l’après-midi, de la fin de l’été et de la mort des feuilles.

Un peu avant le dernier coucher de soleil du dernier jour du mois d’août, il attendait coeur battant, comme tous les ans, Sögumadur, qui descend de sa montagne.

À chaque retrouvaille, Elzéar compte les perles. Une de plus, c’est une nouvelle histoire.
Sögumadur commence toujours pareil. La main fermée sur la perle choisie. Et puis, après un soupir de silence, pour faire remonter les mots de son coeur à ses lèvres, il murmure « écoute… »
Et Elzéar écarquille les oreilles pour mieux recevoir la voix basse et rocailleuse, et le monde autour de lui disparaît.

Et sortent de son coeur des histoires de royaumes aux héritiers perdus, de fontaines rajeunissantes, de lampadaires que seuls les aveugles voient, de dragons presque invincibles mais qui finissent enchaînés, de graines minuscules qui deviennent des arbres géants, de princes séducteurs et traîtres, de rois terribles et bons, de palais de mosaïques et d’or, et puis de hordes de poneys sauvages, par milliers.

Et le vieux dit « tu vois Elzéar, une histoire, il faut l’aimer pour en bien comprendre l’essence. Et pour aimer une histoire, il faut l’apprendre et se la dire souvent. Il faut la savoir par coeur, par le coeur, et pas juste par la tête ».
Et le gamin répète, après lui, les mots enchanteurs.

Le dernier jour du mois d’août, Sögumadur descend des alpages et s’installe chez Pappolène jusqu’à Noël.

Alors Elzéar n’arrive jamais à pleurer la fin de l’été.

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