[…]
Elzéar fit à nouveau rouler la perle à facettes. Elle s’arrêta sur la tranche dorée. Sögumadur reprit…

« …Fil de soie, de lin, à coudre, de toutes les tailles, de pêche, élastique d’araignées tisseuses..rien…le collier était irréparable : les perles semblaient se boucher ou l’ensemble cassait dès la dernière perle ajoutée.

« C’est la nouvelle, la noire, elle est maudite » maugréait sa suivante.

Olga, dans son mutisme imposé, réfléchissait. L’accident du collier lui avait fait perdre ses dons de langage, en plus de sa voix. Déchargée de ses fonctions de traductrice par la forces des choses, elle goûtait une tranquillité inconnue. Mais aussi, elle voyait et entendait les disputes et incompréhensions grandissantes autour d’elle.
Et elle se disait : « c’était mon don, ma charge…si je pouvais réparer le collier, oh je leur apprendrais toutes les langues que je sais, qu’ils puissent se comprendre sans mon aide ».

Et elle songeait aussi : « à collier magique, il faut un fil magique… »

Olga mâchait et remâchait ce problème dans sa tête en arpentant les grandes galeries du palais d’automne, quand elle se sentit prise d’un vertige. Elle s’arrêta mais la sensation de flottement persistait. Ce n’était pas Olga qui bougeait. C’était les murs.

Les feuilles d’or dansaient jusqu’au sol, pour renaître ensuite sur les fresques d’arbustes, les arabesques se déroulaient en tournant, les écureuils de peinture sautaient de branche en branche, tous les motifs étaient vivants, mus par un souffle invisible. Olga déambulait, la tête perdue dans les décors de feuillages tourbillonnants, comme dans un kaléidoscope grandeur nhourse.
Et elle buta sur des naseaux veloutés.

Il plut quelques gouttes épaisses et dorées.

– Oh la, attention ! cria une voix.
– Tiens, un cheval qui parle, pensa Olga.
– Oh c’est vous ! s’écria à nouveau la voix.

Et une silhouette brune en long tablier blanc, les bras constellés de tâches de couleur, descendit prestement de son perchoir.
Olga sortit son carnet :
– Comment faites-vous cela ?! écrivit Olga.
– Cela quoi ? dit Liliola.
Olga pointa le mur du doigt.
– …je peins, c’est mon métier, reprit Liliola.
Olga attrapa la petite nhourse et la planta devant le mur, pointant de nouveau du doigt les feuillages…immobiles. Les fresques étaient à présent parfaitement immobiles. Olga se frotta les yeux.

– Je suis sûre de les avoir vus bouger ! griffonna Olga.
– …Je ne sais pas de quoi vous parlez, Madame, répondit Liliola, yeux baissés.
– Que faites-vous ici ? Qui vous a commanditée ?
– Le Grand Intendant…Madame, pour les travaux d’embellissement. J’ai été choisie pour décorer la Galerie des Jardins…
– Mais je ne suis pas folle, ces peintures étaient vivantes ! rageait Olga sur son carnet.
– …vivantes ?…

Olga s’approcha pour voir de plus près, roula sur un pinceau. Le pochon qui contenait le collier brisé – elle le gardait toujours avec elle – vola lui aussi. Et Olga atterrit par terre dans une auréole de perles bondissantes.

Elle se releva sans mal.
Liliola avait ramassé la perle noire.

– Où l’avez-vous trouvée ?!
– Ah c’est-à-dire que je ne l’ai pas exactement trouvée voyez-vous, ça m’est un peu tombé dessus et si j…
– …un cauchemar d’Homme est entré…murmura Liliola.
Elle avait l’air effrayée.
– Oh c’est très grave…oh il faut lui dire ! Est-ce-que quelqu’un d’autre sait ? Venez…
Et attrapant Olga par la main, elles partirent en courant vers les écuries… »

« Un cauchemar chez les nhours ? Mais c’est impossible ! » bondit Elzéar. « C’est chez les hommes que les nhours chassent les cauchemars, pas ici !! Elle est vraie ton histoire ?? »
– C’est rare…mais c’est arrivé…il y a bien longtemps.
– Qu’est-ce-qu’elles ont fait alors ??
– Pour le savoir, choisis une autre facette, car c’est un chant à quatre voix, Olga, Odomar, Hoël et Liliola, et les quatre voix s’entremêlent. Laquelle veux-tu entendre ensuite ?

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